samedi 11 février 2012

Nerf spinal accessoire


Origine du nerf spinal accessoire (SA)

A l’origine, le SA est constitué de filets nerveux qui émergent du cordon latéral de la moelle en avant des racines cervicales postérieures. Ces filets s’unissent de façon à constituer un tronc, ou racine médullaire, qui monte dans le canal rachidien, traverse le foramen magnum et pénètre dans l’étage postérieur du crâne. Ensuite, la racine médullaire s’unit à la racine bulbaire du XI pour constituer le nerf spinal qui sort du crâne par le foramen jugulaire et se divise en ses deux branches terminales, l’une interne, très courte se jetant dans le nerf vague, et l’autre externe, le SA (d’après Outrequin G et Boutillier B)

A. Anatomie


1. Nerf spinal accessoire

Le nerf spinal accessoire (SA) est la branche terminale externe du nerf spinal ou 11ème nerf crânien. A l’origine, il est constitué de 5 à 6 filets nerveux, parfois plus, étagés verticalement sur 5 cm, émergeant du cordon latéral de la moelle, près du sillon collatéral postérieur, en avant des racines postérieures de C1 à C4. Ces filets s’unissent de façon à constituer un tronc, ou racine médullaire, qui monte dans le canal rachidien, traverse le trou occipital (ou foramen magnum) et pénètre dans l’étage postérieur du crâne. Ensuite, la racine médullaire s’unit à la racine bulbaire du XI pour constituer le nerf spinal qui sort du crâne par le trou déchiré postérieur (ou foramen jugulaire) et se divise en ses deux branches terminales, l’une interne, très courte se jetant dans le nerf vague, et l’autre externe, le SA.

Celui-ci se porte en bas et en dehors, croise la veine jugulaire, tantôt en arrière, tantôt, le plus souvent, en avant en adhérant fortement à la paroi veineuse. Le SA croise ensuite le bord inférieur du ventre postérieur du muscle digastrique, atteint la face profonde du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) qu’il, ou l’une de ses branches, traverse et innerve, puis apparaît au bord postérieur du muscle, à quatre travers de doigts sous le lobe de l’oreille où il est environné de nombreux ganglions lymphatiques. Le SA descend ensuite en bas et en arrière, superficiellement à travers le triangle postérieur du cou, jusqu’au bord antérieur du muscle trapèze, environ cinq centimètres au dessus de la clavicule.

Trajet extra-crânien du nerf spinal accessoire (SA)

A) Dissection du cou : vue latérale sous-cutanée ; B) Schéma du trajet nerveux du SA et du triangle postérieur du cou délimité par le muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) en avant, le muscle trapèze en arrière, la clavicule en bas et l’apophyse mastoïde en haut ; C) Dissection du cou : vue latérale centrée sur le triangle postérieur du cou après résection du SCM (images A et C sont tirées du site www.univadis.be, 3D anatomy, © Primal Pictures 2009).

A sa sortie du foramen jugulaire, le SA se porte en bas et en dehors, croise la veine jugulaire interne en avant, puis le bord inférieur du ventre postérieur du muscle digastrique. Le SA atteint la face profonde du SCM qu’il traverse et innerve, puis apparaît au bord postérieur du muscle où il est environné de nombreux ganglions lymphatiques. Le SA descend ensuite en bas et en arrière, superficiellement à travers le triangle postérieur du cou, jusqu’au bord antérieur du muscle trapèze, environ cinq centimètres au dessus de la clavicule. Le SA s’engage alors profondément dans ce muscle dont il innerve les trois chefs, innervation partagée avec des anastomoses des constituants radiculaires C2 C3 C4 du plexus cervical.

Le SA s’engage alors profondément dans ce muscle dont il innerve les trois chefs, innervation mal connue, probablement très variable (notamment en ce qui concerne le nombre de branches d’innervation), et partagée avec des anastomoses des constituants radiculaires C2 C3 C4 du plexus cervical.

2. Muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM)

Le SCM s’étend de l’articulation sterno-claviculaire à l’apophyse mastoïde.

Lorsque le point fixe est sterno-claviculaire, la contraction unilatérale du SCM détermine un triple mouvement de la tête : flexion et inclinaison latérale vers le coté correspondant, rotation vers le côté opposé. La contraction bilatérale entraîne une flexion de la tête sur le cou et du cou sur le thorax ; mais, si la tête est préalablement renversée en arrière, le SCM exagère ce mouvement et devient extenseur de la tête.

Lorsque le point fixe est céphalique, les deux SCM élèvent le thorax et agissent en muscles inspirateurs accessoires.

Cliniquement, les SCM sont testés en demandant au patient une flexion (activation bilatérale) ou une rotation (activation controlatérale) contrariée de la tête ; on doit alors voir et sentir la corde du(des) muscle(s) contracté(s).

3. Muscle trapèze

Le chef supérieur ou claviculaire s’étend de l’occiput, du ligament nuchal et du processus épineux de C7 au 1/3 latéral de la clavicule et de l’acromion. Le chef moyen ou scapulaire s’étend des processus épineux de T1 à T5 au bord supérieur de l’épine de l’omoplate. Le chef inférieur ou spinal s’étend des processus épineux de T6 à T10 au sommet de l’épine de l’omoplate.

Chacun des 3 chefs du muscle trapèze possède une action propre. Le chef claviculaire, lorsque le point fixe est céphalique, est élévateur de l’épaule et inspirateur accessoire. Lorsque le point fixe est claviculaire, il incline la tête vers le côté correspondant et la tourne vers le côté opposé. L’action combinée des deux chefs claviculaires produit l’extension de la tête. Le chef scapulaire produit une élévation et une rétropulsion de l’épaule, avec adduction de l’omoplate. Le chef spinal est également adducteur de l’omoplate, mais abaisseur de l’épaule.

Cliniquement, le chef claviculaire est testé en demandant au patient de hausser les épaules tandis qu’on s’y oppose, ou, lors de l’élévation antérieure contrariée du bras, coude tendu et avant-bras en pronation. Le chef scapulaire peut être étudié, le patient placé en décubitus ventral, le bras à 90° d’abduction, coude fléchi et en lui demandant de décoller le bras de la table d’examen. La même manœuvre est réalisée pour tester le chef spinal, le bras étant placé à 140° d’abduction.

B. Aspects cliniques

La lésion du SA reste souvent longtemps méconnue, même si le déficit fonctionnel de l’épaule est majeur. L’existence d’un décollement de l’omoplate, à l’élévation du bras, en impose parfois pour une lésion du nerf thoracique long avec déficit du muscle grand dentelé. Pourtant, l’historique des plaintes et l’inspection du patient suffisent habituellement à poser le diagnostic.

1. Données anamnestiques

Le plus souvent, l’atteinte du SA est iatrogène et secondaire à une chirurgie du triangle postérieur du cou, délimité en avant par le SCM, en arrière par le muscle trapèze, en bas par la clavicule et au sommet par l’apophyse mastoïde. Les autres causes sont habituellement traumatiques.

Le motif de consultation est surtout relatif à l’existence d’une impotence fonctionnelle rendant difficile, voire impossible l’élévation antérieure et latérale complète du bras. Lorsque la cause est traumatique, une douleur aigüe initiale, localisée à la nuque et au bord supérieur de l’épaule, est souvent retrouvée à l’anamnèse. Par la suite, des plaintes algiques chroniques peuvent être décrites au niveau de l’épaule. Celles-ci sont parfois augmentées par la rotation de la tête du côté opposé à la lésion. Les douleurs sont fréquemment secondaires à l’installation de contractures musculaires, une traction sur le plexus brachial, une capsulite rétractile ou encore un conflit sous-acromial.

2. Inspection

De face, l’amyotrophie du chef supérieur du trapèze est responsable d’une accentuation du creux sus-claviculaire et d’une saillie de la clavicule.

Inspection d’une lésion tronculaire du nerf spinal accessoire (SA)

A) Lésion du SA gauche (vue de face) : l’atrophie du chef supérieur du trapèze accentue le creux sus-claviculaire et rend plus saillant le relief de la clavicule ; B) Lésion du SA droit (vue de dos) : le déficit du muscle trapèze est responsable d’une chute de l’épaule et d’une bascule de l’omoplate vers le bas et en abduction.

L’amyotrophie du SCM passe souvent inaperçue. C’est la rotation contrariée de la tête du côté opposé à la lésion qui révèle l’atrophie musculaire. Par ailleurs, les atteintes iatrogènes, liées à la chirurgie du triangle postérieur du cou, épargnent très souvent le SCM.

De dos, plus que la perte de relief du chef supérieur du trapèze, c’est la bascule de l’omoplate en bas et en abduction qui attire l’attention. Cette bascule doit être distinguée de celle, en haut et en adduction, qui caractérise l’atteinte du nerf thoracique long. En position debout, l’épaule, et donc la main du côté atteint, sont plus basses que du côté sain.

L’élévation et l’abduction active du bras sont responsables d’un décollement de l’omoplate (plus marqué dans sa partie supérieure) qui se majore lorsque la mobilisation active est contrariée. Ce décollement ne doit pas être attribué à une lésion tronculaire du nerf thoracique long. Insistons sur le fait que dans cette dernière éventualité, le décollement de l’omoplate (plus marqué dans sa partie inférieure) s’associe à un déficit d’abduction de l’omoplate qui n’est jamais observé lors d’une atteinte du SA.

Bascule de l’omoplate, au repos et majorée lors de l’élévation du bras

A) Lésion du nerf thoracique long droit : le déficit du muscle grand dentelé entraîne une bascule de l’omoplate vers le haut et en adduction ; B) Différence de bascule de l’omoplate lors d’une lésion du nerf spinal accessoire (1) et lors d’une lésion du nerf thoracique long (2).

3. Testing analytique

Le testing musculaire montre un déficit plus ou moins sévère pour le muscle trapèze. Lorsque l’omoplate est stabilisée par l’examinateur, il n’existe aucun déficit pour les autres muscles de l’épaule. Par contre, si l’omoplate n’est pas stabilisée, le testing peut être déficitaire pour l’abduction et la rotation externe du bras et en imposer à tort pour un déficit des muscles sus-épineux, sous-épineux et deltoïde. Il faut également savoir que pour une même lésion du SA, le déficit moteur peut être variable d’un patient à un autre. Cette variabilité dépend de la part d’innervation plus ou moins grande assurée par le plexus cervical.

C. Causes de neuropathies du nerf spinal accessoire

L’atteinte tronculaire isolée du SA relève principalement de causes traumatiques et iatrogènes. Lorsque le tableau clinique est dominé par des douleurs intenses et insomniantes, il faut garder à l’esprit la possibilité d’une neuropathie idiopathique telle qu’une variante du syndrome de Parsonage et Turner.

1. Causes traumatiques

Le SA peut être lésé à la suite d’un traumatisme ouvert par balle ou arme blanche. Il peut s’agir également d’un traumatisme non pénétrant extrinsèque, coup direct (sports de combat) ou étirement (accident de roulage, chute, corps étranger contondant, tentative de suicide par pendaison), ou intrinsèque, secondaire par exemple à une luxation de l’épaule ou à une dissection carotidienne.

Logigian et al rapportent une lésion du SA gauche par étirement, chez un patient ayant exécuté une rapide rotation de la tête vers la droite, alors qu’il portait à son épaule gauche une lourde sacoche. L’adhérence du SA à la veine jugulaire interne, sa traversée du SCM et son point d’entrée dans le muscle trapèze constituent autant de points fixes entre lesquels le nerf peut être étiré à l’occasion de mouvements d’amplitude et de vitesse extrêmes.

Tableau 1 : causes de neuropathies du nerf spinal accessoire (SA)

Atteintes intracrâniennes

- Schwannomes

- Méningiomes

Dans le foramen jugulaire

- Métastases de la base du crâne

- Schwannomes

- Traumatisme crânien

(Syndrome de Vernet ou du trou déchiré postérieur = atteinte combinée des nerfs crâniens IX, X et XI)

Dans la nuque

- Causes iatrogènes : chirurgie, radiothérapie, canulation de la veine jugulaire interne, endartériectomie de la carotide interne, parotidectomie, lifting

- Traumatismes

- Infiltrations malignes

Idiopathiques/dysimmunes/Parsonage et Turner

- SA uniquement

- SA + atteinte d’autres nerfs crâniens (IX et X)

- SA + atteinte d’autres troncs nerveux (nerfs thoracique long ou dorsal de l’omoplate)

- SA + plexite brachiale

Sarcoïdose

2. Causes iatrogènes

Les lésions du SA compliquent fréquemment, de façon aigüe ou différée, la chirurgie au niveau du triangle postérieur de la nuque ou la canulation de la veine jugulaire interne. L’acte chirurgical est généralement une biopsie d’un ganglion lymphatique cervical, une endartériectomie carotidienne, l’exérèse d’une tumeur bénigne ou encore une section intentionnelle du nerf lors de la dissection d’une tumeur maligne.

Le SA peut également être lésé dans les suites d’une radiothérapie centrée sur la nuque.

D. Etude électrophysiologique

Très souvent, le SA n’assure pas seul l’innervation du muscle trapèze. Dès lors, la conservation d’une réponse motrice lors de l’étude neurographique ou d’une activité électromyographique volontaire au niveau du chef supérieur du trapèze ne permettent pas de conclure à une atteinte partielle du SA. En effet, la participation variable des racines C2-C4 du plexus cervical peut être responsable de l’activité électroneuromyographique (ENMG) résiduelle. Autrement dit, une section iatrogène complète du SA (neurotmèse de mauvais pronostic) peut laisser subsister une activité ENMG qui en impose pour une axonotmèse partielle de bon pronostic.

1. Neurographie

La stimulation du SA est réalisée à son entrée dans le triangle postérieur du cou, soit environ 4 travers de doigt au-dessous du lobe de l’oreille au bord postérieur du SCM.

L’intensité de stimulation supramaximale dépasse rarement les 15 mA (durée de stimulus = 0,2 ms).

Le potentiel d’action global musculaire (PAGM) est habituellement recueilli sur le chef supérieur du muscle trapèze. L’électrode active est placée sur le bord supérieur de l’épaule, à 8 cm de la cathode. L’électrode de référence est fixée indifféremment sur l’acromion ipsi- ou controlatéral (latence motrice < 3 ms, amplitude > 5 mV). Une réponse motrice peut également être enregistrée sur les deux chefs inférieurs. Le point moteur du chef moyen se situe en regard du muscle angulaire de l’omoplate, près de son insertion scapulaire. Pour le chef inférieur, l’électrode active est fixée en dedans du bord spinal de l’omoplate, à mi-distance entre l’épine et l’angle inférieur de l’omoplate. Des ajustements transversaux de l’électrode active, entre l’omoplate et la ligne des épineuses, sont parfois nécessaire pour diminuer le temps de montée du PAGM.

Données cliniques et électrophysiologiques d’une lésion traumatique du nerf spinal accessoire (SA) droit

A) Chute de l’épaule droite et emplacements des électrodes de détection lors de l’étude neurographique du SA : électrode terre sur l’apophyse épineuse de C7 (fil jaune), électrode de référence sur l’acromion controlatéral (fil rouge), électrode active sur le chef claviculaire (fil noir), emplacements de l’électrode active pour l’enregistrement des chefs scapulaire et spinal (disques blancs) ; B) Trophisme normal du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) gauche lors de la rotation contrariée de la tête vers la droite ; C) Amyotrophie du SCM droit lors de la rotation contrariée de la tête vers la gauche (tracé électromyographique simple à pauvre accéléré en encart) et site de stimulation du SA, à 8 cm de l’électrode de détection active placée sur le chef supérieur du muscle trapèze ; D) Potentiels d’action globaux musculaires enregistrés du côté sain, respectivement de haut en bas, sur les chefs claviculaire, scapulaire et spinal du muscle trapèze ; E) Potentiels d’action globaux musculaires enregistrés du côté pathologique, respectivement de haut en bas, sur les chefs claviculaire, scapulaire et spinal du muscle trapèze.

Une technique a également été proposée pour étudier le PAGM du SCM en stimulant le SA juste derrière le lobe de l’oreille en avant du SCM.

2. Electromyographie (EMG)

En cas d’amyotrophie sévère, l’EMG des muscles trapèze et SCM peut s’avérer délicate. Il importe de ne pas introduire trop profondément l’aiguille concentrique. Si cette précaution n’est pas respectée, il y a un risque de pneumothorax à l’étude du trapèze et de pénétration dans la jugulaire ou la carotide à l’étude du SCM. D’autres muscles de la ceinture musculaire devront parfois être étudiés pour exclure une atteinte qui déborderait le territoire du SA.

E. Traitement

Dans la phase initiale d’une atteinte traumatique, les contractures musculaires et les complications inflammatoires éventuelles peuvent justifier un traitement médicamenteux par anti-inflammatoire et décontracturant ainsi que des séances de kinésithérapie. Celles-ci préviennent également l’installation de raideurs articulaires. En cas de dénervation musculaire complète, des électromyostimulations, par courants à pente progressive, sont préconisées. Les tractions sur le plexus brachial, suite à la chute de l’épaule, nécessitent parfois le port d’une attelle.

Si après quatre mois d’évolution, le déficit musculaire reste majeur et sans signe de réinnervation à l’examen ENMG de contrôle, il est légitime de proposer une exploration chirurgicale. Celle-ci est parfois proposée d’emblée lorsque la lésion du SA est iatrogène et en particulier post-chirurgicale. En effet, dans ce contexte, le risque d’une neurotmèse est grand, même avec un examen ENMG rassurant (cf. ci-dessus). Lorsque le nerf est en continuité, une neurolyse peut suffire. Il est parfois nécessaire de faire une résection d’un névrome qui empêche la repousse axonale. Dans cette éventualité ou si d’emblée le nerf est en discontinuité, une autogreffe nerveuse (nerf grand auriculaire ou nerf sural) est réalisée.

En cas d’échec thérapeutique, une reconstruction chirurgicale, par transfert dynamique des muscles

angulaire de l’omoplate et rhomboïdes, peut encore être envisagée tardivement.

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